Aguigui Mouna, de son vrai nom André Dupont, naît le 1er octobre 1911 à Meythet, en Haute‑Savoie, dans un milieu modeste marqué par les petits travaux et les emplois précaires. Très tôt, il rejette l’autorité après un bref passage dans la Marine et une exclusion du Parti communiste, qui le pousse vers une voie personnelle mêlant pacifisme, esprit libertaire et humour corrosif.
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Aguigui Mouna, de son vrai nom André Dupont, naît le 1er octobre 1911 à Meythet, en Haute‑Savoie, dans un milieu modeste marqué par les petits travaux et les emplois précaires. Très tôt, il rejette l’autorité après un bref passage dans la Marine et une exclusion du Parti communiste, qui le pousse vers une voie personnelle mêlant pacifisme, esprit libertaire et humour corrosif.
Dans les années 1950, après plusieurs échecs professionnels sur la Côte d’Azur et à Paris, il « invente » le personnage d’Aguigui Mouna, clochard‑philosophe libertaire décidant de faire de la rue son théâtre. Installé surtout à Paris, il devient une silhouette familière du Quartier latin et de Beaubourg, circulant sur un vélo bariolé, la demi‑barbe et la demi‑moustache en guise de manifeste permanent. Il harangue les passants contre la guerre, le militarisme, le nucléaire et la société de consommation, maniant slogans, jeux de mots et aphorismes au croisement du gag et de la méditation.
Mouna s’engage dans de nombreuses causes : objection de conscience, lutte antinucléaire, défense des réfugiés, dénonciation du travail des enfants et critique radicale du productivisme. Il diffuse ses idées dans un petit journal, Le Mouna Frères, où s’expriment un écologisme pionnier, un humanisme souriant et un anarchisme non violent. En mai 1968, sa présence constante dans la rue, sa verve et sa fantaisie en font une figure emblématique d’une contestation joyeuse, poétique et anti‑autoritaire.
À partir des années 1970, il se présente à plusieurs élections – notamment à la présidentielle de 1974 – en « non‑candidat », détournant le rituel électoral par des programmes volontairement poétiques et dérisoires. Il prône plus de vélos, moins de voitures, plus de verdure et moins d’armes, et obtient quelques milliers de voix, surtout dans une circonscription parisienne à la fin des années 1980. Paradoxe ultime, il reçoit le titre de chevalier des Arts et des Lettres, comme reconnaissance officielle d’un bouffon subversif qui n’a cessé de défier les pouvoirs.
Jusqu’à la fin de sa vie, il continue de sillonner Paris, multipliant interventions improvisées, échanges sur les trottoirs et provocations pacifistes, fidèle à une philosophie mêlant dérision et gravité. Aguigui Mouna meurt le 8 mai 1999 à l’hôpital Bichat à Paris, laissant l’image d’un « amuseur public » et d’un sage marginal, incarnation d’un anarchisme poétique, écologique et non violent au cœur de la ville moderne.